3. Une journée à Fleury
"Quand ma hiérarchie me convoque parce qu’il y a des suspicions de trafic à la bibliothèque, tu vois, moi je passe pour un con, excuse-moi l’expression" (surveillant scolaire)
Je commence toujours mes entretiens par demander à la personne interviewée de décrire le plus précisément possible sa journée-type ou, si c’est trop abstrait, de me décrire la journée de la veille. Je me suis donc livré à ce même exercice.
Je pars de chez moi à 6h45 pour prendre le RER C, de Bibliothèque François Mitterrand à Juvisy. Là-bas, une navette part de la gare de Juvisy à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis toutes les heures. Dans le bus, peu de places assises. Il y a des femmes avec des gros sacs cabas refermables qui vont voir leurs proches incarcérés au parloir, des intervenants – enseignants ou CPIP principalement – et des ouvriers qui travaillent sur le chantier de rénovation du centre des jeunes détenus, qui doit être rénové en centre de détention. J’arrive à 7h45 devant la maison d’arrêt, je dépose mon téléphone et mes écouteurs dans un casier puis j’attends que la porte s’ouvre. On est une dizaine à rentrer dans le sas. Je salue d’un geste de la tête le surveillant derrière la vitre fumée, je dépose mon sac dans le scanner rayon X et passe le portique détecteur de métaux. Une fois que nous sommes tous passés, le surveillant nous ouvre la porte à distance. Je monte en bibliothèque centrale, située dans le couloir que prennent les familles pour se rendre au parloir. Comme je suis le premier arrivé, je fais couler du café. J’intègre les notices des livres récemment catalogués sur la base de la bibliothèque du bâtiment D4. Beaucoup de livres sur la criminalité, une biographie de Mesrine, une autre d’Antonio Ferrara, un livre sur l’affaire air cocaïne et une série de manga, Evil Eater. Je prends la presse, les livres, je finis mon café en me brulant un peu la gorge et je pars pour le D4 vers 8h35.
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